La Révolution comme horizon, Communistes, syndicalistes révolutionnaires et libertaires en Anjou (1914-1923)

, par  UCL49

Des militant·es de l’UCL 49 ont rencontré Frédéric Dabouis, autour du livre La Révolution comme horizon, Communistes, syndicalistes révolutionnaires et libertaires en Anjou (1914-1923) publié aux éditions Syllepse en 2022. C’était l’occasion de réaliser un entretien pour L’Anjou libertaire !

Question AL 49 : Depuis combien de temps travailles-tu sur ce livre ? Quelles en sont les origines, tes motivations  ?
J’ai travaillé sur les archives de Louis et Gabrielle Bouët aux Archives nationales, mais aussi aux Archives départementales de Maine-et-Loire dès le milieu des années 80. J’ai accumulé des documents pendant des années en espérant un jour pouvoir faire une synthèse, alors que pendant cette période, tout en assurant mes cours, j’étais aussi militant syndical à la FEN puis à la FSU (tendance Ecole émancipée) et militant politique à la LCR, puis au NPA. Je n’avais pas beaucoup de temps libre dans l’année, je travaillais donc surtout pendant les vacances. J’ai attendu d’être à la retraite pour faire cette synthèse qui m’a pris deux années. En fait le livre était prêt il y a deux ans quand Syllepse a accepté de le publier. Au début, je pensais que ce serait beaucoup moins volumineux. J’ai été moi-même surpris par la place prise par la dernière partie, la plus thématique et aussi la plus riche du point de vue des idées. Ce que je voulais faire, c’est continuer le travail de Maurice Poperen sur l’histoire du mouvement ouvrier angevin (arrêté en 1914), et cela dans l’esprit du Maitron (le dictionnaire biographique du mouvement ouvrier), c’est-à-dire avec la volonté de mettre en valeur l’action des militants de base.

AL 49 : Dans ton livre, tu montres que l’idée selon laquelle le communisme aurait été une « greffe » effectuée sur le mouvement ouvrier français à la suite de la révolution russe de 1917 est fausse. L’attrait pour l’idéal communiste résulterait en fait d’une réaction du mouvement ouvrier aux horreurs de la guerre de 1914. Beaucoup alors, dont des libertaires, se sont retrouvés dans le PC. Peut-on dire, à partir de ce qui s’est passé en Anjou, que le PC à ses débuts, réunissait les principaux courants du mouvement ouvrier ? Est-ce que les anarchistes y étaient présents en nombre ou est-ce que beaucoup sont restés en dehors ?
En fait, dans les idées défendues par le PC à partir de 1921, certaines étaient déjà défendues avant la guerre par différents courants du mouvement ouvrier, dont les libertaires. Le mot « communiste » lui-même était associé avant 1914 aux courants libertaires, comme la Fédération Anarchiste Communiste Révolutionnaire de langue française. Il y avait aussi le courant syndicaliste révolutionnaire, ainsi qu’un courant antimilitariste dans le Parti Socialiste SFIO. Cette fibre révolutionnaire était très minoritaire dans le Parti Socialiste mais majoritaire à la CGT jusqu’à la trahison de Jouhaux et de la majorité du Parti socialiste en 1914. Tous ceux qui ont été écœurés par la participation du mouvement ouvrier à l’Union sacrée se sont retrouvés petit à petit au début de la guerre pour essayer de reconstruire le mouvement ouvrier révolutionnaire tel qu’il existait avant la guerre, donc à partir de différents courants. A partir de 1917, une bonne partie s’est retrouvée dans la ligne adoptée par les bolchéviks, notamment l’idée d’une république basée sur les soviets, c’est-à-dire des conseils de travailleurs, d’ouvriers, de paysans, de soldats. Cela s’est concrétisé dès 1919 dans le comité de la 3ème Internationale, une Internationale ouverte alors au mouvement libertaire. Il y a eu d’ailleurs, en 1920, un tout premier Parti communiste, la Fédération communiste des soviets, de tendance assez libertaire, mais qui a été éphémère. Puis après le Congrès de Tours (décembre 1920), c’est le début du Parti communiste tel qu’on le connaît dans lequel il y a plusieurs courants. Il y a même des courants clairement réformistes, je pense notamment à Frossard qui a été le premier secrétaire général du parti, qui sont restés au PC par opportunisme. Alors est-ce que tous les libertaires sont entrés au Parti communiste ? Non, il y a des libertaires qui sont entrés au PC dès 1921, par exemple dans la Loire Benoît Frachon qui était anarchiste à l’origine et qui a été secrétaire de la CGTU puis de la CGT, des années 30 à 1967. Mais en Anjou, l’anarchiste historique c’est Emile Hamelin qui lui se méfie du PC. Il est toujours resté en dehors de ce mouvement. En fait, les deux libertaires qui se sont le plus investis dans la fondation du Parti Communiste sont François Bonnaud et Maurice Faivre, deux cheminots révoqués à la suite des grèves de 1920. Ils sont jeunes, libertaires depuis peu, leur conscience politique s’est en fait formée pendant la guerre. Par exemple, on l’apprend dans les carnets de François Bonnaud, au début de la guerre ce dernier est plutôt « va-t-en guerre » et avec l’expérience de la guerre il devient antimilitariste, libertaire et partisan de la 3ème Internationale, puisque c’est la Révolution russe d’octobre 17 qui a été l’un des éléments qui ont mis fin à la guerre.

AL 49 : L’antimilitarisme semblait beaucoup plus présent à l’époque qu’aujourd’hui ?
Avant 1914, l’antimilitarisme était un des piliers de la CGT seule confédération ouvrière jusqu’en 1919. En effet, la CGT était dirigée alors par des syndicalistes révolutionnaires et des anarcho-syndicalistes. L’antimilitarisme était l’un de ses principes dans la mesure où à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle, dès qu’il y avait une grève un peu dure, on envoyait tout de suite l’armée. Il n’y avait pas les CRS, des troupes « adaptées » au maintien de l’ordre comme on connaît aujourd’hui. L’armée tirait dans le tas comme ça a été le cas à Fourmies le 1er mai 1891 pour réprimer une manifestation ouvrière (9 morts dont deux enfants). La CGT a même participé à une association, l’AIA (Association Internationale Antimilitariste) qui a collé des affiches partout en France pour dénoncer le militarisme et les opérations coloniales. Le Parti socialiste aussi était plutôt antimilitariste mais je dirais d’une manière un peu plus molle. Jaurès avait écrit un livre sur « l’armée nouvelle », pour une armée populaire, un peu comme en Suisse, une armée de citoyens, mais seule l’aile la plus à gauche du Parti socialiste était aussi antimilitariste que la CGT.

AL 49 : Et sur l’anticolonialisme ?
Il faut dire que le Parti socialiste, et donc aussi le PC à sa naissance, avait des sections dans les colonies, en particulier en Algérie. Ce qui est le plus connu, c’est l’affaire de la section de Sidi Bel Abbès qui a voté une motion franchement colonialiste. En gros, les socialistes d’Afrique du nord étaient en grande majorité européens et donc forcément beaucoup moins sensibles à l’oppression coloniale que ne pouvaient l’être les « indigènes » algériens, tunisiens ou marocains, comme on disait à l’époque. Ça a été le gros problème du PC pendant des années, même s’il y a eu des gens courageux à la direction du PC algérien pendant la guerre d’Algérie. Au début des années 20, il a fallu une prise en charge de cette question par les Jeunesses communistes pour que la question coloniale soit vraiment mise en avant, à la demande de l’Internationale communiste. Ça faisait partie des prises de positions des premiers congrès de l’Internationale communiste mais c’était appliqué mollement par la direction de la section française et par Frossard, qui a d’ailleurs démissionné en janvier 1923.

AL 49 : A un moment en 1922, le militant libertaire François Bonnaud émet des idées sur la rotation des mandats dans le syndicat afin de lutter contre la bureaucratisation mais aussi pour déjouer la répression. On a l’impression que celles-ci n’ont pas vraiment retenu l’attention de ses camarades ? Est-ce exact ?
L’intérêt de la prise de position de Bonnaud c’est qu’il a très vite pris conscience, comme tout le courant libertaire, des dangers de la bureaucratie, notamment syndicale, mais pas seulement. Chez les bolchéviks, il y avait aussi des militants qui en avaient pris conscience, et chez certains partisans de la 3ème Internationale, comme Rosa Luxembourg. Chez Lénine cela apparaît surtout dans certains de ses derniers écrits, au moment de ce que Moshe Lewin appelle son dernier combat, contre Staline et contre la bureaucratie qui appuyait Staline. Mais dans le PCF, en fait cette problématique apparaît très peu.

AL 49 : François Bonnaud avait évoqué cette questions dans L’Anjou Communiste après avoir lu un article dans Le Libertaire qui défendait l’idée de rotation des mandats, pour lutter contre la bureaucratie mais aussi pour lutter contre la répression, si on fait tourner les mandats ça permet à certains militants d’être moins exposés…
Pour moi c’est un angle mort dans les discussions au sein du mouvement communiste, jusqu’à la fin des années 20, à part quelques textes isolés. Par exemple, sur les dangers bureaucratiques, il y a un texte très fort de Trotsky dans « Nos tâches politiques » (1904). C’est une critique de Lénine qui veut à l’époque, par souci d’efficacité dans la lutte contre la dictature tsariste, un parti très centralisé avec une direction forte. Trotsky dit en gros que si on va dans ce sens là, les militants finiront par être dépossédés au profit du comité central qui sera dépossédé au profit du bureau politique qui lui-même sera dépossédé au profit du dictateur. C’est un texte prémonitoire. Les trotskystes commencent donc à faire des critiques de la bureaucratie à partir de 1923 et surtout après leur expulsion de l’Internationale communiste à la fin des années 20. Ça va devenir une référence pour le mouvement trotskyste. Quant à l’idée de la rotation des mandats c’est effectivement quelque chose d’indispensable pour éviter la bureaucratie mais aussi pour atténuer les effets de la répression. En effet, les années 1920 sont une période de répression intense de tous les mouvements révolutionnaires, la bourgeoisie a peur que la révolution se développe dans certains pays. Bonnaud a raison de dire qu’en faisant partager et assumer les responsabilités à davantage de militants et en assurant une rotation des mandats on fragilise moins le mouvement dans son ensemble. C’est une question importante.

AL 49 : Dans ton livre tu parles des débuts de la prise en compte du féminisme par le mouvement ouvrier, notamment sous l’influence de Clara Zetkin. Le 8 mars prochain, c’est la journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Que t’inspire la comparaison des deux époques ?
Comme je le dis dans mon livre, il y a deux branches dans le mouvement féministe à l’époque comme aujourd’hui : au début des années 20, le féminisme bourgeois se borne à revendiquer le droit de vote et plus globalement l’égalité des droits, alors que l’autre, le féminisme révolutionnaire, sur la lancée du mouvement international des femmes socialistes fondé par Clara Zetkin avant 1914, va plus loin et revendique aussi l’égalité salariale, c’est-à-dire l’égalité économique et sociale. C’est une différence importante. Aujourd’hui, le droit de vote est un acquis, et au niveau de l’égalité juridique, il y a pas mal de choses qui ont été obtenues par les différentes vagues féministes. Et même s’il y a encore à faire, il y a eu d’énormes progrès en matière de droit à l’avortement et à la contraception. Cela dit, je pense qu’il y a des thématiques qui n’existaient pas ou peu à l’époque, concernant notamment les violences à l’égard des femmes et les féminicides, et qui aujourd’hui sont centrales pour le mouvement des femmes.

AL 49 : Y a-t-il une spécificité du mouvement ouvrier angevin ?
La spécificité, c’est l’influence dans le premier PC et la CGTU des années 20 des syndicalistes révolutionnaires alliés aux libertaires. Les syndicalistes révolutionnaires, ce sont Louis Bouet et son équipe d’institutrices et d’instituteurs ; les libertaires ce sont les syndicalistes cheminots révoqués, François Bonnaud et Maurice Faivre, pour ne parler que des militants les plus actifs. Mais la spécificité du mouvement ouvrier angevin, c’est aussi qu’il est très faible dans un environnement particulièrement réactionnaire. Ce sont des gens qui sont aussi très minoritaires dans leur milieu. Par exemple, chez les instituteurs, les syndicalistes révolutionnaires affiliés à la CGTU représentaient à peine 10 % du personnel. Le reste était affilié à l’amicale des instituteurs qui s’est transformée dans les années 20 en Syndicat national des instituteurs (SNI) adhérent à la CGT et qui était très corpo. On est donc en présence d’un mouvement ouvrier faible, mais en même temps assez radicalisé. Dans d’autres départements plus ouvriers c’est le centre du parti socialiste qui a basculé à gauche à cause de la guerre, mais sans être forcément aussi radical et porteur d’idées nouvelles comme le féminisme ou l’antimilitarisme.

AL 49 : Quel regard portes-tu sur la réalité du mouvement ouvrier aujourd’hui en parallèle à la période que tu décris ? Penses-tu que l’on puisse faire des liens avec la période actuelle ou tirer des leçons de cette époque qui nous seraient utiles aujourd’hui ?
Vu les dégâts du capitalisme et des différents impérialismes aujourd’hui, il y a toujours, c’est le titre de mon livre, l’actualité d’une révolution, c’est-à-dire d’un changement complet de régime économique, social et politique, et cela même si les perspectives politiques immédiates ne sont pas forcément très bonnes. Pour moi, c’est une nécessité, dans la lignée de la formule de Rosa Luxemburg, « Socialisme ou barbarie ». C’est un choix à faire. Rien n’est gagné d’avance. Mais il y a une question plus immédiate, par rapport à la lutte en cours sur la question des retraites : c’est l’actualité de la grève générale. Cette question a été posée dès la fin de la guerre, sur fond d’inflation, de forte hausse du coût de la vie. Il y a eu en effet des grèves importantes au printemps 1919 et surtout au printemps 1920, notamment chez les cheminots. Et malheureusement, à l’époque, la stratégie de la CGT de Léon Jouhaux a été de faire des grèves tournantes par corporation. Et cela a été considéré par les syndicalistes révolutionnaires et les futurs communistes comme une véritable trahison du mouvement puisqu’au lieu de peser tous ensemble sur le patronat et l’État, les mouvements ainsi fragmentés ont pu être réprimés plus facilement, les uns après les autres. Et aujourd’hui, si nous voulons gagner dans la lutte actuelle sur les retraites, la grève générale est une question incontournable.

AL 49 : Le capitalisme est un système mortifère et destructeur. Ton ouvrage montre la nécessité et la difficulté qu’il y a à construire une organisation révolutionnaire pour en sortir. Peux-tu nous éclairer ?
Ce qui est intéressant dans l’étude de cette période, c’est de voir qu’un parti socialiste ou communiste révolutionnaire pluraliste est possible. Cela a existé entre 1921 et 1923 avec la cohabitation, dans la mouvance de l’Anjou communiste, de plusieurs courants y compris des courants syndicalistes. Et cela montre en même temps, et cela apparaît dans la dernière partie de mon livre, ce qu’il ne faut pas faire. C’est-à-dire, sous prétexte d’efficacité, empêcher le libre débat par des mesures autoritaires, bureaucratiques comme cela a été le cas à partir de 1924 dans l’Internationale communiste, ce qui a abouti à exclure des militants révolutionnaires qui demandaient simplement à pouvoir débattre librement, comme c’était pourtant la règle avant 1914 dans les partis socialistes quels qu’ils soient, très réformistes, social-démocrates ou révolutionnaires. C’est en fait le droit de tendance dans le parti révolutionnaire qui a été nié. Au fil des ans, ce refus du libre débat a facilité, dans les partis communistes, la déviation stalinienne. Celle-ci a malheureusement bénéficié, dans le sillage de la révolution russe, de l’image trompeuse de prospérité de l’URSS pendant la crise économique des années 30, puis du prestige de l’URSS victorieuse après 45. Certes, cela a aidé le développement des partis communistes jusqu’aux années 50-60 mais sur un terrain pourri, c’est-à-dire celui de la dictature bureaucratique, de l’oppression de la classe ouvrière soviétique, et aussi d’un régime totalitaire sanguinaire dès les années 30, ce que Trotsky a décrit très tôt comme un processus contre-révolutionnaire. A terme, cela ne pouvait mener qu’à l’effondrement total du régime soviétique et dans la foulée, de la plupart des partis communistes qui s’identifiaient à l’URSS. Ce modèle de construction d’un parti monolithique est l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire.

AL 49 : En fait, la diminution du pluralisme des courants est parallèle à l’évolution négative de la révolution russe ?
Il n’y a pas de lien mécanique entre les deux phénomènes. Des oppositions internes et externes aux PC auraient pu reprendre du poil de la bête dès les années 30, car on connaissait déjà l’existence de ce qu’on a appelé ensuite le goulag, et qui a été mis en place à la fin des années 20. Dès cette époque, le système concentrationnaire soviétique s’est en effet généralisé comme un mode de gestion des opposants politiques, anarchistes, socialistes, trotskystes, etc., avant de s’étendre à toute la population, notamment les fameux « koulaks » lors de la collectivisation forcée des terres, et tout cela était connu dès le début des années 30, grâce à de nombreux témoignages. Il suffisait de se renseigner. En même temps, à partir de 1933, la politique étrangère de la France, par exemple, c’était plutôt de rechercher une alliance avec l’URSS pour contrer l’arrivée au pouvoir des nazis et le réarmement allemand. Dans cette perspective de rapprochement, qui sera concrétisée en 1935 par le pacte Laval-Staline, les autorités françaises n’avaient pas intérêt à discréditer le régime stalinien. Ainsi, Edouard Herriot, le chef d’un des principaux partis politiques français de l’entre-deux-guerres, le parti radical, parti pivot qui a figuré dans pratiquement tous les gouvernements de l’époque, fait un voyage en URSS en 1933, au moment de la grande famine en Ukraine, et déclare publiquement qu’il n’a rien vu et que cette tragédie n’existe pas...

AL 49 : Mais ne penses-tu pas que la dégénérescence de la révolution russe était bien avancée avant les années 30 et que le pluralisme existant dans l’Effort social puis dans l’Anjou communiste s’est éteint progressivement aussi plus tôt ?
La dégénérescence de la Russie soviétique commence avant même la fondation de l’URSS en décembre 1922, dès la fin de la guerre civile et de l’intervention étrangère (été 1920). En effet, dès le début 1921, des grèves éclatent sur les salaires, le niveau de vie, des révoltes provoquées par la famine aussi. A Saint-Pétersbourg, les grèves sont réprimées par le régime soviétique. C’est pour moi le début de sa dégénérescence du régime. Et puis, il y a l’insurrection de Cronstadt en mars 1921, brutalement réprimée par l’Armée rouge. Tout cela a été forcément insupportable pour ceux des libertaires qui avaient adhéré au PC. Alors c’est vrai que la menace de la contre-révolution n’avait pas complètement disparu, qu’il y avait encore la pression des troupes anglaises qui n’étaient pas très loin, avec juste la Baltique à traverser. Et certes, la guerre civile était à peine terminée depuis quelques mois, mais c’est la plus mauvaise des solutions qui a été appliquée face aux mouvements sociaux. Je pense que c’est à ce moment là que Faivre et Bonnaud ont quitté le PC, sans doute à la fin de l’année 1921 ou au début de l’année 1922. Mais je pense aussi qu’en quittant discrètement le PC, sans déclaration publique, l’un comme l’autre ont pris garde de ne pas affaiblir Bouët, qui lui-même était dans l’aile gauche du Parti communiste, et avec qui ils avaient des rapports amicaux. Ils n’ont pas voulu l’affaiblir par rapport aux autres courants, plus « droitiers », du PC. De fait, ils étaient entrés au PC après le congrès de Tours puisqu’ils étaient dans la nouvelle majorité issue de ce congrès en décembre 1920, mais ils n’y sont pas restés longtemps après. Cela dit, même après la démission des libertaires du PC, le pluralisme qui existait dans L’Effort social avant Tours s’est perpétué dans toutes les rubriques (politique, syndicale, etc.) de L’Anjou communiste, jusqu’à la disparition du journal fin septembre 1923. Ainsi, en 1922, les libertaires (François Bonnaud, Georgette Perrein, Emile Hamelin) reconstruisent un groupe anarchiste dont les réunions sont annoncées dans L’Anjou communiste. La « normalisation » bureaucratique, ce que les historiens du mouvement communiste appellent la « bolchévisation », n’apparaît qu’en 1924, avec l’exclusion brutale de grandes figures nationales de l’aile gauche du PC, Boris Souvarine et Alfred Rosmer.

AL 49 : Décrire et analyser l’histoire du mouvement ouvrier en Anjou c’est-à-dire localement semble une excellente passerelle pour susciter l’intérêt du plus grand nombre pour le mouvement ouvrier en général ?
A mon avis, cela rend les discussions, les débats plus concrets et permet de faire des ponts avec la situation actuelle, toutes proportions gardées.

AL 49 : Penses-tu qu’un journal local regroupant différents courants révolutionnaires et qui serait le porte-voix des luttes locales comme pouvaient l’être d’abord l’Effort social puis l’Anjou communiste serait possible et/ou souhaitable aujourd’hui ?
Je pense que cela serait souhaitable surtout dans une période où l’extrême-droite est ascendante. Après est-ce que c’est possible ? Je pense que ça l’est entre des courants révolutionnaires ouverts, eux-mêmes déjà pluralistes.

Al 49 : Veux-tu rajouter quelque chose ?
Ce qui me tenait à cœur, c’était de faire revivre ces vies militantes d’il y a un siècle toujours un peu oubliées, rappeler des idées et des débats eux aussi un peu oubliés, en les resituant bien sûr dans le contexte national et international de l’époque, et avec l’espoir de relancer le débat d’idées entre militant-e-s.

Si vous voulez vous procurer le livre, rendez-vous à la librairie Les Nuits Bleues 21 rue Maillé à Angers. Le livre est également disponible dans d’autres librairies de la ville, mais soutenir une librairie militante et associative c’est toujours mieux !
Sinon il est possible de le commander sur le site de Syllepse : https://www.syllepse.net/la-revolution-comme-horizon-_r_65_i_913.html

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