Le Kazakhstan démarre l’année sur les chapeaux de roue Communiqué de l’UCL

, par  UCL49

En proie à des grèves et des manifestations massives, le Kazakhstan connait le plus grand bouleversement socio-politique de son histoire récente. Difficile d’y voir très clair, d’autant qu’Internet est bloqué depuis plusieurs jours et empêche toute information de filtrer. Aux dernières nouvelles, la dictature avait fait appel aux troupes russes et des pays environnants pour mater la révolte. L’Union Communiste Libertaire s’inquiète de la répression sanglante en cours et relaie les aspirations de justice sociale et le rejet de l’autocratie que manifestent massivement les populations du Kazakhstan.

Le Kazakhstan est un État indépendant de l’URSS depuis 1991 tout en restant membre de l’OTSC, une organisation internationale de sécurité rassemblant 6 anciens États soviétiques autour de la Russie. Le pays entretient également des relations privilégiées avec l’Union Européenne (son premier partenaire commercial), les Etats-Unis (2e investisseur dans le pays) mais aussi avec la Chine, qui cherche à sécuriser ses Nouvelles Routes de la Soie. Loin d’être négligeable dans le commerce international, il est l’un des principaux exportateurs d’uranium, de blé et d’hydrocarbures.

Déjà en 2011, le Kazakhstan connait une vague de révoltes, notamment par des grèves dans l’industrie du pétrole et du gaz massivement réprimées dans le sang.

La hausse des prix, l’étincelle qui met le feu aux bonbonnes de gaz

Dans la nuit du 31 décembre 2021 au 1er janvier 2022, le prix du GPL a doublé. En effet, le gouvernement avait décidé peu de temps avant de libéraliser le secteur de l’énergie, jusqu’alors monopole d’Etat. Or le GPL est le principal carburant au Kazakhstan, particulièrement dans l’ouest du pays. Et c’est de là que part la contestation le dimanche 2 au soir. Plus précisément, à Janaozen, ville emblématique s’il en est, puisque c’est ici qu’ont été massacrés 15 grévistes d’une exploitation pétrolière de la ville en 2011. En quelques jours à peine, la contestation gagne les plus grandes villes et notamment Almaty, la capitale historique et économique. Alors que les jours précédents, les rassemblements y étaient aussi confidentiels qu’à l’accoutumée, une foule de plusieurs milliers de personnes s’empare mardi 4 janvier de la rue à Almaty, occupe de nombreux bâtiments publics, saccage des banques, pille des supermarchés...

Le mouvement surprend tout le monde et la bourgeoisie prend peur : aux premières annonces de grève, certains patrons lâchent des augmentations de plus de 10% avant même le début du mouvement. Même réaction côté politique : le président Kassym-Jomart Tokaïev annonce la démission du gouvernement et nomme un nouveau Premier Ministre temporaire. Il gèle les prix des hydrocarbures pour 6 mois, puis limoge le chef de la sécurité et supprime le poste à vie taillé sur mesure pour l’ancien autocrate Noursoultan Nazarbaïev.

Alors que les manifestant·es s’emparent de l’aéroport d’Almaty, affrontent les forces de l’ordre devant le Ministère de l’Intérieur et mettent le feu à la mairie, Tokaïev proclame l’Etat d’urgence, autorise ses troupes à tirer sans sommation et en appelle à l’intervention militaire de l’OTSC. Le 6 janvier, les troupes russes, biélorusses et arméniennes (trois États membres de l’OTSC), estimées à 3000 soldats, arrivent dans le pays pour y « rétablir la paix », face à des opposants qualifiés de « terroristes ». Internet est totalement coupé et il est très difficile de recueillir des informations fiables sur ce qui se passe sur place désormais. Il semble que la contestation à Almaty a été écrasée dans le sang mais le gouvernement continue de donner des gages à la population pour apaiser la colère. Tous les témoignages recueillis évoquent toutefois massivement les détonations, entre armes à feu et grenades. Il semblerait que plusieurs commissariats dans l’ouest du pays se soient ralliés à la population, du moins au début du soulèvement.

Une colère plus profonde

Comme dans d’autres pays, la hausse des prix est un élément déclencheur déterminant. Mais si le mouvement a pris si vite et si fort, c’est que la population perçoit au-delà comment le clan Nazabaïev s’est accaparé la rente pétro-gazière (et plus largement de l’extractivisme dans son ensemble). La libéralisation de l’économie et les mesures antisociales menées depuis des années ont renforcé le sentiment d’injustice face à l’enrichissement exponentiel de cette bourgeoisie népotique et autoritaire. Et cette colère a d’abord trouvé à s’exprimer dans l’ouest du pays car c’est que c’est là où se situent les secteurs professionnels les plus revendicatifs, les mieux structurés, et parce que la mémoire des luttes et de la répression y reste forte et vivace.

La répression sanglante de ce mouvement inédit de protestation risque bien de laisser des traces dans ce pays qui se présentait comme un havre de paix au milieu d’une région instable. Le régime autoritaire et corrompu mis en place à l’indépendance par le clan Nazarbaïev, le culte de la personnalité, la répression féroce et la fraude généralisée ne sont peut-être pas tombés en ce début d’année 2022 mais ont été contraints de montrer au monde entier leur vrai visage et ont achevé de se discréditer auprès des populations qui habitent cet immense territoire. L’opposition sociale et politique doit s’y restructurer, en évitant les pièges de la répression et de la division. Et les classes populaires doivent y prendre toute leur place, pour construire une réelle alternative sociale et démocratique.

L’Union Communiste Libertaire apporte son soutien à la révolte massive et courageuse des populations du Kazakhstan, face à la répression meurtrière, au capitalisme ultralibéral, à l’autoritarisme et à l’impérialisme russe. Nous porterons attention aux éventuelles mobilisations de la diaspora sur le territoire français et à la répression qui pourrait s’abattre violemment sur les militant·es d’opposition sur place. Les peuples veulent la chute des tyrans !

Union communiste libertaire, le 9 janvier 2022.